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Coup sur Coup

  • EM
  • 2 janv. 2022
  • 9 min de lecture

Si mon précédent post du 12 juillet 2021 témoignait de mon état dépressif à l’annonce de l’instauration du pass sanitaire, celui-ci tentera d’expliquer mon désespoir à quelques jours de l’entérination par l’Assemblée nationale de la décision gouvernementale d’instaurer le pass vaccinal.

Pour justifier mes positions, je suivrai la seule méthode à laquelle m’a formé mon métier de chirurgien : estimer, à partir des données – forcément parcellaires - dont on dispose, la balance bénéfices/risques d’un geste thérapeutique sur un individu donné. Mais, bien conscient qu’une décision de santé publique se doit de dépasser le cadre d’une stricte analyse à l’échelle individuelle, je ferai appel, lorsque nécessaire, aux positions publiquement exprimées par des experts d’autres spécialités, telles que le droit ou la philosophie.

Pour commencer, résumons la situation le plus clairement possible.


Les pathologies liées au coronavirus SARS-cov2 sont le plus souvent tout à fait bénignes. Cependant, dans un petit nombre de cas, la maladie prend une forme pulmonaire grave, qui va nécessiter une hospitalisation pour oxygénothérapie, voire une prise en charge réanimatoire sous ventilation artificielle. Dès le début de la pandémie, il a été établi que l’âge était LE facteur de risque majeur de développer une forme grave. Une large étude française menée sous la houlette d’EPI-PHARE (groupement d’intérêt scientifique en pharmaco-épidémiologie créé en 2018 suite au scandale du Mediator) l’a parfaitement démontré dans une publication du 9 février 2021. Ce travail, tirant profit de la base de données du Système National des Données de Santé (SNDS) identifie et quantifie également les autres états pré-morbides à risque de formes graves, qui incluent entre autres la trisomie 21, la transplantation rénale ou pulmonaire, l’insuffisance rénale chronique terminale en dialyse, le diabète, l’obeésité, l’hypertension, les antécédents cardiovasculaires, les maladies respiratoires chroniques, les cancers actifs et les maladies neurodégénératives.


Lors de la première vague de mars 2020, l'afflux massif de patients présentant une forme grave a posé un défi de prise en charge à notre système hospitalier, affaibli par une évolution qui n’aura obéi ces vingt dernières années qu’à une logique principalement comptable. En 2019, tous alertaient déjà sur l’état de déliquescence dans lequel se trouvait notre hôpital public et académique.


Dès mars 2020, il a donc fallu mettre en place une priorisation des motifs d’hospitalisation : tout ce qui n’engageait pas le pronostic vital et fonctionnel devait être reporté et reprogrammé. Les confinements des printemps 2020 et 2021 opéraient cette priorisation de facto : les patients n’osaient plus sortir de chez eux, et encore moins se rendre à l’hôpital. Quelles pertes de chances (qu’elles soient fonctionnelles ou même vitales) sont-elles imputables à cette priorisation covid ? Le préjudice ne sera probablement jamais exactement estimé ; il est néanmoins, et très certainement, loin d’être nul.



Le 28 décembre 2021, les agences régionales de santé (ARS) ont réitéré l’injonction aux établissements de santé, publics comme privés, de reporter les hospitalisations des patients pour lesquels le pronostic vital ou fonctionnel n’est pas en jeu.

Il s’agit d’une mesure visant à anticiper un hypothétique scénario « noir » :


- 20 % des lits sont actuellement fermés dans les hôpitaux publics par manque de personnel infirmier. En effet, malgré les efforts de revalorisation salariale suite aux Ségur de la Santé, beaucoup de personnels, en particulier de réanimation, ont démissionné, soit pour partir dans le privé ou s’installer en libéral, soit même, pour changer tout à fait de carrière. Personne n’avait vu venir ce mouvement de fond. L’obligation vaccinale pour tous les soignants n’a pas arrangé les choses.


- l’application de la règle d’isolement de sept jours en cas de positivité au covid entraînera encore des fermetures de lits ;


- la vague de contaminations au variant omicron est incroyablement haute ;


- si la dangerosité d’omicron n’est pas aussi faible que les premières données le suggèrent, toutes les conditions seraient alors réunies pour un afflux de patients qui déborderait largement les capacités disponibles.

Face à cette menace, le gouvernement a donc répondu, en parallèle des mesures anticipatoires de l’ARS, par l’instauration à marche forcée du pass vaccinal.


A première vue, la volonté d’acculer les Français non-vaccinés à une vie de paria pourrait sembler un mal nécessaire. En effet, même en imaginant des moyens financiers illimités, le nombre de lits d’hospitalisation ne pourrait pas être augmenté du jour au lendemain, en particulier pour la réanimation : la formation infirmière s’étale sur trois ans, et une année de plus est requise afin d’acquérir l’expérience nécessaire à la pratique des soins intensifs. Dès lors, dans la mesure où, à ce jour, les 15 % de Français non-vaccinés constituent 70% à 80 % des patients hospitalisés en réanimation pour covid grave (soit environ 2000 lits sur les 6000 disponibles), le choix d’un citoyen de ne pas se vacciner peut passer pour un acte irresponsable, voire condamnable.

Ces dernières semaines, a donc surgi la question : est-il éthique de prioriser un lit de réanimation pour un patient covid non-vacciné, possiblement au détriment d’un autre patient vacciné atteint d’une autre pathologie ? Tous les médecins restent fidèles au serment d’Hippocrate – « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. ». Il ne s’agit donc pas de refuser un soin à un patient au prétexte qu’il n’est pas vacciné. Il s’agit véritablement du problème de la priorisation dans un système de soins possédant une offre limitée et inextensible. Et de plus en plus de voix suggèrent, d’une façon ou d’une autre, qu’il est peut-être éthique de faire entrer le statut vaccinal dans les critères de priorisation. On peut citer par exemple la position d’Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale. Dans une opinion du 01 janvier 2022 , publiée dans la Tribune, il écrit : « Il nous faudra peut-être aborder dignement, dans la rigueur et la transparence d'arbitrages pertinents et justes, la nécessité de choix de priorisation en réanimation intégrant des critères non exclusivement d'ordre médical. N'est-il pas préférable d'anticiper cette éventualité, plutôt que de concéder à une forme d'indifférence ou de tolérance à des pratiques qui devraient elles aussi mobiliser notre attention ? Je constate ainsi que les déprogrammations contraintes des interventions et des traitements se décident aujourd'hui sans que soit précisé dans quelles conditions sont établis les critères d'arbitrage des choix sans pour autant susciter des controverses publiques. D'un point de vue strictement médical, l'intérêt direct de la personne qui subit les conséquences parfois vitales d'une déprogrammation est estimé d'une moindre importance que la prise en charge des malades de la Covid-19. Nous y consentons comme si, déjà, nous étions habitués à certains renoncements. ». Ou encore, dans la même tonalité, la point de vue du professeur Grimaldi dans une tribune du 2 janvier 2022 , publiée dans le Journal du Dimanche : « il serait bon de conseiller systématiquement à toute personne adulte refusant de se faire vacciner de rédiger des directives anticipées pour dire si elle souhaite ou non être réanimée en cas de forme grave de Covid. Une personne revendiquant le libre choix de ne pas se faire vacciner ne devrait-elle pas assumer en cohérence son libre choix de ne pas se faire réanimer ? ».


Au fond, comme nous allons le voir, ce débat ne devrait pas – ou n’aurait pas dû – se poser. Mais surtout, faire le choix d’instaurer le pass vaccinal dans l’espoir de pouvoir l’éviter est à la fois stupide et dangereux.


Pour le comprendre, il faut aborder les données dont on dispose sur l’efficacité vaccinale.

Les seules données solides concernent la réduction majeure du risque de formes symptomatiques – et en particulier de formes graves - après injection de deux doses chez les adultes de plus de 16 ans pour tous les vaccins développés au cours de l’année 2020, que ce soit le Pfizer, le Moderna, ou l’AstraZeneca. En revanche, le degré d’efficacité de la vaccination pour prévenir la propagation de la maladie (sous une forme asymptomatique) au sein de la population n’est pas bien connu. Il semble plutôt limité, et encore plus avec le variant omicron : l’explosion actuelle des cas positifs concerne tout autant les vaccinés que les non-vaccinés. Ainsi, mon post du 12 juillet 2021, qui suggérait de rendre la vaccination obligatoire (après consultation démocratique) à partir d’un âge seuil qui aurait permis d’atteindre l’immunité collective, relevait-il d’une illusion : apparemment, ce ne sont pas les vaccins actuels qui permettront d’atteindre l’immunité collective, et donc l’éradication du virus.

De même, le bénéfice du vaccin chez les moins de 16 ans est plus qu’incertain. L’étude randomisée de Pfizer évaluant l’efficacité chez les adolescents de 12 à 15 ans ne s’est intéressée qu’au taux de séroconversion : en effet, dans les deux groupes (par ailleurs d’un effectif ridiculement petit, de 1000 sujets chacun), vaccinés comme non-vaccinés se portaient bien. A l’inverse, on sait maintenant que le risque de myocardite aiguë induite par le vaccin est loin d’être négligeable chez le jeune homme de 15-30 ans, en particulier avec le Moderna, qui est désormais déconseillé dans cette classe d’âge. Enfin, les données sur la troisième dose de « consolidation » sont très fragiles. Les seules études disponibles sont des études israéliennes, réalisées en population. Elles confirment une diminution de la mortalité par covid chez les plus de 50 ans triple-vaccinés par rapport aux double-vaccinés. Cette troisième dose fait d’ailleurs l’objet d’une controverse : en effet, nombreux sont ceux, y compris aux Etats-Unis, qui estiment qu’il serait plus important de donner ces doses aux pays qui n’ont pas les moyens financiers d’accéder à la vaccination (voir par exemple l’article de Rita Rubin, publié dans le JAMA le 24/11/2021)


En résumé, on se retrouve aujourd’hui avec des vaccins dont le principal mérite est de diminuer fortement les formes symptomatiques, et en particulier les formes graves, lesquelles, rappelons-le, concernent principalement les plus de 50 ans et/ou les personnes avec une co-morbidité. Imposer le pass vaccinal à toute la population de plus de 12 ans s’avère donc :

- inefficace pour limiter la propagation du virus. Si le but est de freiner la propagation, exiger un test antigénique (ou PCR) négatif est la mesure la plus adaptée (en plus, bien évidemment, du respect des gestes barrières). Elle pourrait être imposée, par exemple, pour les situations de fort rassemblement au cours desquelles le port du masque n’est pas possible (restaurants dépassant un certain nombre de couverts, manifestations sportives…).

- injustifiée en termes de bénéfice-risque individuel chez les plus jeunes. L’argument souvent entendu pour étendre la vaccination aux moins de 18 ans était d’ailleurs de protéger les plus âgés ayant refusé la vaccination. Muriel Fabre-Magnan, professeur de droit, écrit dans un point de vue du 21/12/2021, publié dans le Figaro : « La vraie raison qui motive en réalité le gouvernement (et il faut bien le dire une partie importante de la population) est d'éviter que les adultes de leur entourage soient contaminés, car il semble avéré que les enfants sont une source importante de contamination. Il s'agirait donc essentiellement, par la vaccination des enfants, de protéger la population générale. L'acceptation d'un tel raisonnement est le signe d'un affaissement considérable de la morale. Les esprits sont désormais tellement habitués à l'utilitarisme et à l'importation des raisonnements marchands dans tous les domaines de la vie, qu'on ne comprend plus ce que Kant appelait la dignité de la personne humaine. »

- stupide pour les individus ayant déjà eu le covid et reçu ensuite une dose de vaccin. Dans un avis du 19/11/2021, la Haute Autorité de Santé (HAS), conclut : « Au regard de ces éléments, la HAS maintient sa recommandation d’administrer une dose unique de vaccin chez les personnes ayant été infectées par la Covid-19, quel que soit leur âge. […] Toutefois, consciente que des personnes peuvent avoir besoin d’une dose supplémentaire pour des raisons administratives, notamment pour se déplacer à l’étranger, la HAS souligne que cette dose additionnelle n’est pas contre-indiquée et qu’elle peut être administrée aux personnes qui le souhaiteraient. » Comment des médecins peuvent-ils accepter de prescrire un traitement médical pour des « raisons administratives » ?

- dangereux pour la démocratie. J’avais précédemment proposé que des sujets aussi importants que la vaccination obligatoire puissent faire l’objet d’un référendum. Je reste convaincu qu’une mesure de bon sens comme rendre la vaccination obligatoire (troisième dose comprise) chez les plus de 50 ans (tout en maintenant une simple recommandation de vaccination chez les 18-50 ans) obtiendrait l’approbation d’une large majorité de Français. Dès lors, les non-vaccinés n’auraient plus d’autre choix que de se vacciner, ou de contrevenir à la loi, ce qui les amèneraient à prendre une tout autre responsabilité. Cet affaiblissement de l’Etat de droit est là aussi dénoncé par Muriel Fabre-Magnan dans l’article sus-cité.



Et maintenant, les vraies questions. La situation sanitaire de notre pays est-elle à ce point exceptionnellement grave qu’elle justifie ce fonctionnement vertical, en « circuit court », du plus haut de l’exécutif, directement aux citoyens ? Comment se fait-il, qu’à l’exception de ceux des partis extrémistes, députés et sénateurs s’alignent, comme un seul homme, derrière le gouvernement ? N’aurait-il pas été salutaire de voir émerger, au sein même de la majorité présidentielle, des élus capables de construire une critique éclairée et constructive de ces propositions de loi ?


Un sujet pour un prochain post …


Et comme le rappelait le grand dépressif Vialatte, « Et c'est ainsi qu'Allah est grand ».

 
 
 

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1 Comment


santigilrob
Jan 11, 2022

Cher Emmanuel, jing and jang je suis en accord avec toi sur: a: l'utilité du vaccin c'est la prévention des formes graves. C'est le but de tout vaccin, la seule importance du COVID ce sont ces formes là, le reste de la maladie ont s'ont fous. Donc but accompli. b: la vaccination massive sur fond de passe sanitaire pour les jeunes, qui ont risque faible de forme grave n'est probablement pas justifié. ceci étant elle devrait, de mon point de vu, être fortement suggéré. Je pense que le risque "potentiel" non vérifié, de nos jours, de ne pas être suffisamment protégé du point de vu immunitaire et de forme grave future est supérieure au risque d'effets secondaire graves, mais effectivement ça devrait êt…

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